Si tu t’intéresses à l’harmonie Jazz tu as forcément déjà entendu parler du « Turnaround » mais c’est peut être un terme qui est un peu oscur pour toi ? Qu’à cela ne tienne, à la fin de cette article ta lanterne brillera comme un phare perçant l’ombre de la nuit !
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LE TURNAROUND C’EST QUOI ?
Le turnaround est tout simplement une cadence harmonique. Elle s’étend sur 2 mesures et dans sa forme basique elle constituée des degrés I vi ii V. J’utilise cette notation avec les chiffres romains en majuscules et en minuscules car je la trouve très pratique. Les majuscules pour les accords majeurs et les minuscules pour les accords mineurs, ainsi on voit de suite la qualité de l’accord, c’est génial ! En Do majeur ça donnerait donc : C∆ A- | Dm7 G7.
Je précise qu’en français on l’appelle souvent un « Anatole« . Ce que tu dois savoir d’emblée c’est que Anatole désigne également une forme entière de 32 mesures constituée d’une succession de Turnaround, de Christophe et un pont. On appelle cette forme « Rhythm Changes » en Anglais, en hommage au morceau « I got rhythm » de Georges Gershwin. La forme anatole est devenu un grand classique, un passage obligé et même une sorte d’excalibur pour tous les apprentis roi Arthur du Jazz. En effet, il offre une grande variété de substitutions qui peuvent vites devenir un challenge pour l’improvisateur en fonction du tempo notamment.
A QUOI SERT LE TURNAROUND ?
STRUCTURE D’UN STANDARD DE JAZZ
Pour comprendre à quoi sert le Turnaround il faut d’abord regarder la structure d’un standard de Jazz.
On va prendre pour l’exemple la forme musicale la plus populaire : le AABA qu’on retrouve aussi dans le Gospel ou la chanson en général. Elle est construite avec 2 sections :
Chaque « A » ou « B » forment une carrure de huit mesures, ce qui fait donc un total de 32 mesures.
J’en profite pour faire une parenthèse car je trouve que c’est intéressant à savoir même si en tant qu’instrumentiste ça ne nous concerne pas vraiment : sur les sections de A, les paroles sont différentes et tu vas voir que le chant a son importance dans la fonction du turnaround.
- Le premier A expose un thème composé d’une mélodie et d’une harmonie.
- Dans le deuxième A on répète souvent la même mélodie mais avec une fin plus conclusive.
- Le B est le pont, il est souvent dans une autre tonalité.
- Enfin le dernier A reprend le thème et la structure du 1er A
EXPOSITION DU THÈME ET RELANCE AVEC LE TURNAROUND
REMPLIR UN ESPACE « VIDE »
Dans le cas de Coquette et c’est valable pour d’autres Standards de Jazz, de chansons et de comédies musicales (Take the A train etc…), la mélodie du chant est étalée sur les 6 premières mesures. Les deux dernières mesures sont un espace de respiration pour le chanteur et en même temps un espace de relance pour le deuxième A. Le dernier A fonctionne également de la même façon mais pour relancer le début du morceau. Le turnaround n’est donc pas quelque chose de conclusif, au contraire. On va broder rhythmiquement et harmoniquement autour de l’accord de tonique. C’est une cellule qui « tourne » et qui va permettre de donner de l’élan pour relancer une nouvelle partie.
CE N’EST PAS « LE » TURNAROUND MAIS « LES » TURNAROUND
Ce n’est pas un secret pour toi, le jazz offre beaucoup de liberté et sur ce fameux turnaround les accords ne sont pas figés. Ça créé parfois de la confusion chez les débutants qui se demandent alors « mais qu’est -ce que je dois jouer »??
La réponse est : tu joues ce que tu veux ! Et c’est pour ça que si tu prends plusieurs grilles d’un même morceau, tu trouveras probablement des accords différents à ces endroits là. Voila c’est pas plus compliqué que ça 🙂
Clique ici pour voir dans google image les grilles de Coquette faites par les copains. tu vas voir qu’effectivement les accords ne sont pas toujours identiques sauf que maintenant tu sais que ce n’est pas un problème 🙂
QUOI JOUER SUR UN TURNAROUND
Les possibilités sur le turnaround sont nombreuses. Comme je le disais au début de l’article, le turnaround le plus connu est le I vi ii V. Sur le morceau Coquette en D, ça donne donc : D Bm | Em A7
Basiquement on pourrait juste jouer D sur les deux mesures mais ça ne serait pas très intéressant.
Ensuite on pourrait jouer comme c’est indiqué dans la plupart des grilles : D | A7
LE TOURNAROUND A LA DJANGO
On va voir un turnaround à la Django, joué par Bireli Lagrène dans son solo sur Coquette au Jazz à Vienne. Si t’es un winner tu peux regarder cet article pour travailler le solo complet et télécharger la partition gratos, c’est cadeau 😉
Le plan joué par Bireli met en valeur ces accords : D A7b9 | D A7. C’est donc un mouvement I V7 | I V7. Tonique, dominante – Tonique, Dominante.
Sur un accord de A7, un des premiers arpège qu’on apprend en jazz est l’arpège de C#dim car il met en valeur la 3ce, 5te, 7è et b9.
Cette b9 est vraiment une note intéressante car elle permet d’enrichir l’accord et crée une légère tension, une couleur caractéristique du « Jazz ». À utiliser sans modération donc !
LE TURNAROUND EN MUSIQUE CLASSIQUE
Cet enchainement harmonique I V7 | I V7 se retrouve évidement beaucoup en musique classique comme dans cet exemple extrait du « Mouvement perpétuel » de Niccolò Paganini. Au passage c’est un très bon exercice 💪
LE TURNAROUND AVANCÉ
Et pour te gâter je te montre sans transition un turnaround avancé qui sonne super. On l’appelle le « Tadd Dameron Turnaround » car il l’a utilisé dans les 2 dernières mesures de sa composition Lady Bird. Il est parfois attribué à John Coltrane. Quoiqu’il en soit, on « tombe » sur ces accords en remplaçant les trois derniers accords du traditionnel I-vi- ii-V par leur substitutions tritoniques ce qui donne I-bIII-bVI-bII.
Si tu regardes, au niveau mélodique il reste sur la note G par contre harmoniquement ça bouge beaucoup !
Ça n’est pas clairement pas aisé de faire ressortir ces accords en improvisation mais une façon simple est de jouer les 4 notes : tonique, seconde, tierce et quinte (1-2-3-5) de chaque accord. Là effectivement c’est un procédé largement utilisé par John Coltrane notamment dans son morceau Giant Steps.
Bireli joue ce plan en tonalité de G sur son Hungaria phénoménal 🔥dans le Live in Paris que tu peux voir ici sur Youtube. Attention cette version est à la limite de l’indécence guitaristique je préfère te prévenir 😅.
Il le joue sur le turnaround à la fin du thème sur un stop chorus ce qui veut dire que la rythmique s’arrête. Dans ce cas, en ajoutant cette couleur particulière il est sûr de ne pas être en conflit avec la progression d’accord proposée par la rythmique. Mais au pire dans tous les cas ça sonne, c’est le principe du jeu « OUT ». On joue des notes ou une progression d’accord différente de celle proposée par l’accompagnement. On reviendra sur ce concept infini et passionnant dans de prochains articles !
On note qu’on pourrait jouer ce plan aussi bien sur des accords de 7ème majeure que des accords de 7ème de Dominante puisqu’on joue uniquement les degrés 1-2-3-5 et aucune 7ème.
CONCLUSION
Tu en sais maintenant un peu plus sur le turnaround. N’hésite pas à regarder comment tes improvisateurs préférés jouent sur ces 2 mesures et à également regarder les accords que proposent les compositeurs sur ces parties de « relance ».
Si tu veux travailler des solos sur le morceau Coquette, tu peux consulter mes articles sur le Solo de Django et le Solo de Bireli !
Tu peux également mettre un commentaire sous cet article si il t’a aidé, ça me fera plaisir 😉
Et je te rappelle que quel que soit ton niveau aujourd’hui, toi aussi tu peux exploser ton jeu de guitare et jouer comme un PRO demain !💪🔥🚀
excellent…
dans la progression Bb7 A7, je la joue en pensant à un Vv V où leBb7 est le triton de E7… Je m’en sert dans une petite compo…
Toujours très intéressant et pertinent merci pour tes analyses !!